C'est certainement notre premier réflexe dans le monde du crédit : blâmer l'emprunteur. Mais lorsqu'il s'agit de défauts de paiement, le véritable échec n'est peut-être pas celui de l’emprunteur, mais celui du prêteur et son incapacité à gérer le risque.
Pour être clair, par gestion du risque, j'entends l'ensemble des activités et des méthodes mises en place pour éviter qu'un emprunteur ne fasse défaut, garantissant ainsi une activité rentable pour le prêteur, tout en évitant de pousser l'emprunteur vers le surendettement.
Pour aller à la racine de ce problème, j'aimerais examiner trois aspects de la gestion du risque qui peuvent se révéler inadaptés pour les prêteurs - et réfléchir à la manière dont nous pouvons les corriger.
Le scoring du crédit
La pierre angulaire de la gestion du risque est le scoring, une notation utilisée pour déterminer la solvabilité d'un client potentiel et aider à guider la décision de prêter. Ou de ne pas prêter - en particulier lorsque la probabilité de défaut d'un client potentiel dépasse un certain seuil. Lorsque la gestion du risque est vue à travers le prisme du scoring, la décision de prêter ou non à un certain client semble le seul levier pour contrôler le risque.
Les récents développements de l'IA et l'accès à des données de plus en plus riches ont favorisé l'émergence de techniques d'analyse de données qui ont amélioré notre capacité à prédire le risque de crédit. Mais aussi bonnes soient-elles, ces techniques sont encore loin de nous offrir une boule de cristal.
Cela signifie que le scoring ne suffit pas à lui seul à contrôler le risque. Nous devons utiliser d'autres leviers dans la conception des produits et des services, chacun d'entre eux avec ses propres défis à relever.
Le design du produit
La conception classique d'un produit de prêt consiste à étudier le montant offert, les garanties nécessaires, les conditions de remboursement et les clauses de défaut. Ce processus, tel qu'il est appliqué par le secteur bancaire plutôt conservateur, a connu peu d'innovations au fil des ans et continue de donner lieu à des produits qui peinent à contribuer à la gestion du risque. Par exemple, les pénalités financières punitives souvent excessives intégrées aux produits de prêt sont souvent contre-productives, tant sur le plan financier (en augmentant de manière inexorable l’endettement) que psychologique (en détériorant la relation de confiance entre le prêteur et l'emprunteur).
Mais aujourd'hui, l'écosystème fintech est en train de changer la donne. En associant des technologies de pointe à une approche novatrice de la conception des produits, la fintech a contribué à l'émergence de nouveaux modèles de prêt (ou a permis à des modèles auparavant irréalisables de devenir économiquement viables).
Ces nouveaux modèles incluent notamment les prêts basés sur le contrôle de l’objet du crédit (par exemple, l'achat de marchandises auprès d'un grossiste pour le compte d'un commerçant), le repay-as-soon-as-you-earn (remboursement à partir des revenus futurs, par exemple pour les entrepreneurs sur les plates-formes de commerce électronique), ou bien encore le BNPL, qui a récemment fait son entrée en Afrique en fanfare.
Un autre modèle qui, à mes yeux, est très prometteur est celui du remboursement dès que possible. Il s'agit d'une version optimisée du modèle de prêt classique, construite à partir de données enrichies, et pensée pour encourager au remboursement anticipé et aider les prêteurs à distinguer les excellents emprunteurs des bons.
Quel que soit le modèle choisi, un produit de prêt bien conçu doit pouvoir répondre aux préoccupations suivantes:
- Productif de données - favorisant la génération de données à fort potentiel prédictif
- Court et récurrent - maximiser les taux de renouvellement et le nombre de prêts par clients pour permettre aux prêteurs de capitaliser sur les clients performants et d'ajuster le montant d'éligibilité des emprunteurs risqués
- Sur mesure - avec des conditions de remboursement adaptées aux réalités financières des clients (comme un cycle de vente)
- Protection - éviter les dangers du surendettement en repensant la manière dont les pénalités sont appliquées en cas de retard de paiement
Le design du service
Si les fintech ont innové dans la conception des produits et multiplié les instruments de gestion des risques, ils pêchent souvent en matière de service.
La raison est simple. En tirant parti de l'automatisation à grande échelle, les produits fintech se substituent à l'agent de crédit traditionnel de l’IMF ou de la banque, ce qui fragilise les rapports de proximité avec le client, si courants sur les marchés émergents.
Modalités de remboursement
Il s'agit de facteurs liés à la manière, au moment et au lieu où l'emprunteur peut rembourser, ainsi qu'au type de notifications qu'il recevra tout au long du processus.
- Logistique de remboursement - Pour rembourser le prêt, l'emprunteur doit-il se rendre dans une agence ou un agent viendra-t-il lui rendre visite dans son entreprise ?
- Services numériques - L'emprunteur a-t-il accès à des services numériques, notamment à la possibilité d'automatiser les paiements ?
- Rapidité - Les fonds seront-ils transférés à temps ? L'emprunteur sera-t-il averti de l'approche des échéances ou si la transaction a échoué ?
Des contrats simples à comprendre
L'un des principaux moteurs d'un bon remboursement est une compréhension claire de l'engagement du client. Or, trop souvent, les conditions générales sont jargonneuses, rédigées en termes juridiques complexes ou tout simplement peu intelligibles (parfois intentionnellement).
Anticiper les difficultés
Un bon service, c'est aussi prendre des dispositions en cas de difficultés de paiement, par exemple en fixant un nouvel échéancier, en reportant la date d'échéance ou en procédant à un refinancement. Le produit que vous choisissez doit également être capable d'identifier automatiquement ces cas et de leur appliquer la solution la plus appropriée.
Le facteur humain
La situation financière de chaque client est singulière et peut comporter des questions émotionnelles difficiles qu'il est préférable de traiter avec un interlocuteur humain. Dans la mesure du possible, le client doit pouvoir entrer en contact avec une personne réelle aux moments clés de son parcours.
Conclusion
Lorsqu'un client fait défaut, c'est un double échec: l’endettement pour le client et un manque à gagner pour le prêteur. Une approche saine de la gestion du risque consiste à tout mettre en œuvre pour éviter cette situation, en améliorant le scoring et la conception des produits et services.
Il existe un certain nombre d'approches innovantes pour chaque dimension du crédit, mais il est rare de voir des solutions qui ciblent les trois composantes à la fois. Je ne pense cependant pas qu'il soit trop ambitieux de dire que c'est exactement ce que nous devrions viser : combiner le meilleur de l'innovation fintech avec les avantages des modèles de service client de proximité des banques et des IMF. Faire en sorte que notre approche du prêt n'accepte pas simplement le défaut comme un aléa du secteur, mais mette tout en œuvre pour garantir la réussite de nos clients.